ANDROMAQUE QUARTETT
La mise en scene
Monter Andromaque en théâtre de rue est une forte intention de mise en scène en soi. Il faut se demander ce qui dans cette œuvre peut résonner dans la rue. Or la rue, c’est la vie. De tous, de chacun, les cœurs qui battent et les pieds qui martèlent. Si Bérénice (le premier projet de la compagnie) est une tragédie dont l’intrigue choisit la vie, Andromaque est beaucoup plus sanglante. Alors ?
Alors Andromaque est une pièce de palpitations, malgré sa fin éminemment tragique, une vie extraordinaire coule dans la vivacité de ses répliques, des rapports humains en présence et de la situation : il y a bien urgence de vivre, il faut sauver une vie : Astyanax. Cette urgence de vivre est celle-là même des personnages de la commedia dell’arte. Dès lors faire descendre Andromaque dans la rue semble presque tomber sous le sens ! Et un certain nombre d’éléments de la pièce ont conforté cette idée.
Il faut distinguer deux groupes dans les personnages principaux: ceux qui ont vécu la guerre et qui en sont sortis meurtris à jamais (Andromaque et Pyrrhus), et les autres, plus jeunes, blessés indirectement (Hermione et Oreste). Leur rapport à la vie s’en trouve bouleversé et si Andromaque et Pyrrhus sont enclins à une nostalgie douloureuse et qui les lie profondément, j’ai pu extraire d’Hermione et Oreste toute la fougue, l’exaltation et l’excessivité d’une jeunesse en quête d’avenir.
Le personnage d’Andromaque incarne la charge tragique de la pièce. Elle fait partie de la race des héros, contrairement aux trois autres personnages principaux, englués dans leurs positions de « fils de… ». Je l’ai imaginée fantôme, revenant à la vie lorsqu’elle se projette dans son passé. Et ce non pas uniquement parce qu’elle a trop souffert, c’est aussi sa façon à elle d’être fidèle à Hector et à sa famille décimée : être une morte vivante. Elle sera la seule survivante au dénouement de la pièce. Un drôle de paradoxe tragique. Et un nouvel argument pour la vie.
Faire jouer les confidents alternativement par tous les comédiens est un moyen de rappeler que leur parole est celle de tous, n’importe qui pourrait prendre les masques et venir écouter, conseiller, orienter les personnages principaux. Ils sont un peu les coryphées d’un chœur de tragédie grecque disparu : ceux qui sont la voix unique de tous. Ils vont d’ailleurs souvent rejoindre le public, jouer avec lui, ce sont de vraies passerelles vers cette intrigue complexe et grandiose.
Incarner Astyanax est également un choix qui relève de cette quête du vivant. Pauvre poupon souriant, il est à la fois évidemment pathétique mais aussi un rappel que le théâtre est jeu, au sens le plus prosaïque du terme. Nous jouons cette histoire comme nous jouions aux cow-boy et aux indiens il n’y a pas si longtemps que cela.
Nous avons conservé une scène bi frontale afin d’accrocher le plus de regards possibles autour de l’espace de jeu. Elle permet en outre aux personnages d’être dans de vrais face-à-face qui soulignent la tension omniprésente et les maintiennent en rapport direct, dans des réactions vives.
Avec toujours à cœur de rendre la tragédie racinienne accessible à tous, et parce qu’il faut jouer la tragédie avec à cœur l’idée du bonheur possible, nous avons également désacralisé le texte. En conservant toutes les contraintes de prosodie pour le faire entendre, nous nous sommes permis d’en extraire tout le marbre pour le donner dans sa chair
Jouer une situation extrême et des personnages grandioses certes mais les pieds trépignants et le sourire aux lèvres.
Emilie Noé
Merci à Stéphane N’ Guyen pour les photos
Le blog d’Andromaque Quartett
C’est la rentrée! (lun., 14 sept. 2009) >> Lire la suite
Notre tournée – la suite… Août 2009 (lun., 10 août 2009) >> Lire la suite
Les prochaines (jeu., 02 juil. 2009) >> Lire la suite